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L’amour et le pouvoir au cœur des transformations

Mise en perspective de l’ouvrage d’Adam Kahane “Pouvoir et amour, théorie et pratique des transformations sociétales”

Dans cet article vous découvrirez des outils de facilitation utilisés dans des conflits complexes, l’importance du pouvoir et l’importance de l’amour et comment utiliser le conflit comme levier de transformation. 

Cette mise en perspective vise à résumer l’ouvrage d’Adam Kahane “Pouvoir et amour, théorie et pratique des transformations sociétales” et voir ses apprentissages pour le monde de la facilitation et de l’entreprise.

Le protagoniste 

Adam Kahane est un facilitateur, acteur de l’intelligence collective et a beaucoup travaillé à résoudre des situations complexes : réconciliations nationales, dialogues multisectoriels… Pouvoir et amour est le récit de ses facilitations et des processus mis en oeuvre et expérimentés pour faire avancer des causes collectives. 

Le contexte

Pour commencer cet article, je vous propose de lire la citation de Martin Luther King Jr, citation d’ouverture de l’ouvrage.

“Le pouvoir bien compris n’est autre que la capacité à réaliser ses objectifs. Il constitue la force nécessaire pour amener le changement sociétal, politique et économique.. Et l’un des grands problèmes de l’histoire est que les concepts de l’amour et du pouvoir sont généralement considérés comme des polarités qui s’opposent. Ainsi l’amour est-il trop souvent assimilé à l’abandon du pouvoir et le pouvoir au déni de l’amour. Le  temps est venu de remettre les choses à plat. Il nous faut maintenant réaliser que le pouvoir sans amour est inconscient et abusif, et que l’amour sans pouvoir est affectif et anémique. … C’est justement la collision du pouvoir immoral et de la moralité sans pouvoir qui constitue l’une des crises majeures de notre temps”. 

Martin Luther King

Amour et pouvoir, définissons-les

Commençons par reprendre les éléments définition des deux termes. 

  • L’amour est la force motrice de l’unité, ce qui permet d’unifier ce qui a été divisé. Ce qui rassemble. 
  • De l’autre côté, le pouvoir est le moteur de la réalisation de soi. C’est la force qui nous fait agir, qui nous fait atteindre des objectifs et des résultats. Dans le pouvoir, on peut distinguer deux notions : 
  • Le pouvoir-de, qui es la force d’accomplissement de chacun
  • Le pouvoir-sur, qui “use et abuse de sa force pour supprimer, opprimer ou dominer l’autre” 

Utiliser le pouvoir et l’amour devrait se faire conjointement, mais Adam Kahane compare leur utilisation à celle de la marche : au début, on tombe, puis on trébuche et enfin on apprend à marcher. 

“En Afrique du Sud, beaucoup de Blancs ont considéré leur accomplissement comme prioritaire et cela les a conduits à déployer une idéologie (l’apartheid) pour justifier leurs comportements (…) Ainsi le côté séduisant du pouvoir-de peut-il se transformer, comme dans un film d’horreur, en l’autre aspect du pouvoir, à la fois terrible et pervers, du pouvoir-sur”

Le pouvoir et l’amour ont chacun un aspect génératif (créateur, positif, entrainant) et un aspect dégénératif

L’amour génère de l’unification, du rassemblement, mais poussé à son extrême dégénératif peut nier le pouvoir d’accomplissement de chacun et virer à l’absence d’action. 

Un de ses dangers de l’amour est de vouloir produire trop d’unité, une unité qui ne prendrait pas en compte les besoins et dynamiques individuelles d’un groupe. Il est crucial, d’autant plus dans des processus complexes comme une crise politique ou environnemental, de prendre en compte le pouvoir de chacun. Sinon, la résolution de la solution est impossible car les parties prenantes seront lésées de leur capacité d’agir et de l’accomplissement de leur objectif propre. Voire, dans certaines situations, cela peut renforcer les personnes au pouvoir

De même, le pouvoir est une formidable force motrice, de mouvement, qui permet à chaque individu de se développer et de prendre une part active. Cependant, sans direction, il peut avoir des effets négatifs. C’est là où l’amour permet de donner une direction à ce que le pouvoir est capable de construire. 

“Le pouvoir et l’amour sont donc des complémentaires exacts”

💡 Question à vous poser Quelle est la dynamique dans votre organisation ? Quelles sont les dynamiques existantes de pouvoir ? Quelles sont les dynamiques existantes d’amour ? 

De l’amour au pouvoir – les 3 étapes du processus

Pour développer sa capacité à aimer, un premier temps est essentiel : s’ouvrir et prendre conscience de son inter-connexion.

Ainsi, les opérations facilitées par Adam Kahane suivent généralement une logique en 3 temps, adaptée directement de la théorie U d’Otto Scharmer et Joseph Jaworski : 

1. Un temps de co-presencing et co-perception 

Les participants sont invités à partager leurs regards, opinions et à graduellement comprendre leurs points de vue différents. Le but est d’arriver à une compréhension mutuelle des différents enjeux, besoins sur une situation complexe. 

Des retraites collectives avec temps de réflexion individuelle sont souvent organisés à ce moment là. Au-delà des temps de séminaire, de travail, ce sont aussi (voire surtout dans certains cas) les moments informels entre les participants qui ont permis d’arriver à une compréhension commune d’enjeux et une plus grande écoute et capacité du groupe et à exercer et le pouvoir et l’amour. 

Le  cadre posé lors du co-presencing est essentiel : un cadre sécurisé, où les participants viennent en tant que personnes en plus de leurs fonctions et où ils sentent qu’ils sont libres d’expérimenter. 

2. Un temps d’émergence 

Ce temps d’émergence sert à faire ressortir les sujets que chacun.e souhaite aborder. La méthodologie souvent utilisée est le forum ouvert. AJOUTER ELEMENTS FORUM OUVERT

3. Un temps de co-réalisation 

La co-réalisation vise à mettre en oeuvre de manière concrète des solutions et exercer son pouvoir. Un temps pour “sculpter collectivement de nouvelles réalités”.

Enseignements 💡Lors de la prochaine situation complexe que vous rencontrez, assurez-vous de :Créer un cadre sécurisé pour l’expérimentation Permettre aux participants de se connecter les uns aux autres avant de basculer dans le concret et la solution 

Un groupe formé de manière optimale

Bien qu’un processus collectif soit bien construit, la constitution du groupe demeure essentielle pour fair avancer toute situation complexe.

Adam Kahane reprend deux éléments développés par Zaid Hassan, clés pour qu’un groupe fonctionne en intelligence collective :

  • La diversité dans la composition
  • L’accès à l’information par ses membres 

Si ces deux conditions ne sont pas remplies, le risque pourrait être de tendre vers le conflit ou une “pensée groupale” trop homogène.

Ainsi, dans tous les processus, les participants sont choisis avec grand soin : il ne s’agit pas d’inviter “ceux qui veulent venir” ni “tous ceux qui sont de bonne volonté” mais au contraire ceux qui ont la volonté de faire avancer un sujet, ont des compétences complémentaires les uns aux autres et une capacité d’action. 

Enseignements 💡Quand vous mélangez les niveaux d’expertise de plusieurs personnes dans un groupe, il est important de s’appuyer sur l’expertise des plus expérimentés et ne pas les priver de leur pouvoir. Pensez à fixer une façon d’exercer le pouvoir et de prendre les décisions au début du processus – cela facilitera la phase de passage à l’action.Incluez les bénéficiaires éventuels de vos projets dans les réflexions et ainsi leur permettre d’exercer leur pouvoir 

Vive le conflit 

Adam Kahane a collaboré avec Myrna Lewis lors d’une facilitation. Myrna Lewis a développé la méthode de Deep Democracy – Lewis Method, qui consiste en plusieurs étapes autour du conflit, occasion majeure d’apprentissage et d’avancée pour les participants :  

  1. Reconnaître que les participants veulent résoudre un point de conflit / désaccord
  2. Créer un cadre sécurisé, basé sur 3 règles :
    • Chacun, en raison de son cadre de référence, a raison, mais personne n’a le monopole de la vérité
    • Résoudre le conflit est important pour la bonne poursuite de la relation
    • Le conflit va me permettre d’apprendre quelque chose sur moi-même
  3. “Lancer toutes ses flèches”  
    • Dans un conflit, chacun a des arguments (flèches) gardées en stock, qu’il jette minutieusement, en vue de gagner le conflit. L’approche de deep democracy : lâcher tous ses arguments et choses à dire en une seule fois – une personne à la fois (l’autre personne étant en écoute simple – sans partir en match d’arguments)
  4. Accepter sa responsabilité 
  5. Prendre une décision en partant de la responsabilité qu’on a acceptée 

Pour creuser en détails la méthode Lewis, je vous conseille cette vidéo très concrète et éclairante. 

Enseignements 💡En cas de situation complexe où un groupe doit aller de l’avant sur un sujet, assurez-vous que chaque personne se sente incluse et entendue au sein du groupe. Chaque personne aura un besoin différent d’expression et d’écoute par le groupe, assurez-vous que ce besoin est rempli, il est la première étape pour que le processus collectif atteigne un résultat.Laisser les conflits émerger le plus en amont possible plus éviter qu’ils ne dégénèrent plus tard

Exemplarité et humanité du leader

A plusieurs reprises Adam Kahane fait preuve d’humilité et de transparence sur des situations d’échec pendant des facilitations : des moments où il était tellement absorbé par un souci d’amour qu’il oubliait de laisser de la place au pouvoir de chacun, des moments où il était lui-même dans une logique de détention du pouvoir… 

Et l’un de ses apprentissages en fut : en tant que leader, je me dois de m’écouter moi-même et d’être attentif à mes propres ressentis. En étant coupé de soi, impossible de se connecter aux émotions des autres.

Enseignements 💡Si vous êtes leader d’une situation complexe, autorisez-vous à écouter vos émotions, vos intuitions et à la connexion émotionnelle au groupe. Les fois où vous ne le ferez pas seront celles qui mettront le groupe en danger.

Une autre lecture que je vous conseille sur le sujet de l’exemplarité dans le leadership est l’excellent ouvrage d’Alexander Kjerulf – Leading with Happiness. 

Ouverture

En guise d’ouverture, je vous propose de lire cette vidéo conçue par Actualisation TV, qui reprend 4 clés pour développer le pouvoir de membres d’une équipe, un parallèle intéressant à faire avec le monde des organisations !

Et en guise de conclusion, je souhaitais vous partager plusieurs extraits de l’ouvrage qui m’ont marquée et peuvent être sujettes à réflexion.

“Aucun jardinier digne de ce nom n’essaie de convaincre une plante de “vouloir” pousser : si la graine n’a pas la volonté de croître, il n’y a rien ni personne qui puisse faire une différence” Peter Senge – The Dance of Change.

“Quand un collaborateur se montre autonome, innovant, énergique et créatif et qu’il est constamment rabroué et saboté au lieu d’être encouragé et soutenu, quelle que soit sa position dans la hiérarchie, quelle que soit l’organisation, vous pouvez être assuré que dans 100% des cas, le dirigeant est un “maniaque de la paix”. Je veux dire par là une personne éminemment anxieuse, soucieuse du risque, une personne plus préoccupée des bons sentiments que tu progrès, une personne dont la vie tourne autour de l’axe du consensus.” Edwin Friedman – A failure of nerve : leadership in the age of the quick fix.
“Not being heard is one of the most painful human experiences and it leads to dire consequences”. Myrna Lewis – TedX Cape Town