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Le Chief Happiness Officer est un facilitateur

Chief Happiness Officer est-il un bullshit job ou un indispensable ?

“Chief Happiness Officer”. Ce titre, métier, fonction a fait couler beaucoup d’encre et suscité beaucoup de débat. Au-delà du métier, c’est la notion de qualité de vie au travail qui est interrogée : jusqu’où doivent aller les entreprises ? Peut-on parler de bonheur au travail ? Plutôt de bien-être ? Quelles limites met-on entre le rôle de l’individu, le rôle du collectif et le rôle de l’organisation structurelle ?

Pour faire tenter de répondre à ces questions, j’ai eu le grand plaisir d’animer un débat en visioconférence le 8 novembre avec deux invités exceptionnels :

  • Julie ClémentDesigner d’expérience collaborateur – CHO / Co-fondatrice chez MAKIBA
  • Simon Baron, Chief Science & Innovation @AssessFirst ™
Cet article est une synthèse des points que j’ai retenus de ce débat. Merci encore à Julie et à Simon pour leurs interventions plus que pertinentes et aux participants pour leurs questionnements, partages et participation.

Epanouissement au travail

Nous avons débattu en amont du débat de terminologie. Parlons-nous de bonheur au travail, de qualité de vie, de bien-être au travail ? Le parti pris que nous avons pris était celui de l’épanouissement au travail. 
Nous voulons que les collaborateurs soient épanouis au travail, avec pour cela deux approches complémentaires dans nos intervenants :
  • Avec Simon, l’approche recrutement. Au-delà de s’intéresser à comment créer un cadre épanouissant au travail, donnons aux personnes des emplois qui leur correspondent. Des emplois où leurs aptitudes, compétences, personnalité sont en phase avec l’emploi proposé et le cadre de travail.
  • Avec Julie, l’approche quotidienne. Comment changer le quotidien des personnes, améliorer leur vie quotidienne, les aider à trouver du sens au quotidien dans leur métier.

En partant de ce constat, cette envie que chacun puisse s’épanouir au travail, nous nous sommes posés cette question : Chief Happiness Officer est-il un bullshit job ou un indispensable ?

Le CHO est un facilitateur

Le Chief Happiness Officer facilite les conditions qui permettent aux salariés de s’épanouir : il ne facilite pas directement l’épanouissement des salariés
Un point saillant de notre débat était la position du CHO. Pour Julie, parce qu’un CHO a un rôle stratégique, il doit être proche de la direction générale d’une organisation.
D’autre part, il n’est pas celui qui fait tout à la place des autres, c’est un facilitateur. Généralement électron libre dans l’organisation, le CHO est “dé-hiérarchisé” et a une posture neutre qui lui permet d’aborder une multitude de sujets en transversal.
Cette liberté doit lui permettre d’éviter deux écueils liés à l’épanouissement au travail :
  • Personne ne s’occupe du sujet. Les causes potentielles : il n’est pas urgent / pas priorisé / tout le monde est trop occupé.
  • Ou bien son autre face : une personne seule s’accapare le sujet  et cela déresponsabilise les autres collaborateurs sur ce sujet. D’où un équilibre à trouver et une posture de facilitation et non de préemption de l’opérationnel qui paraît nécessaire :
Dans l’idée d’une gouvernance de plus en plus partagée, pour moi il me paraît évident qu’il y ait une personne qui coordonne ce rôle (au sens abstrait), qui s’assure de la mise en place du projet, facilite, pose les deadlines etc… Mais un rôle peut être occupé par différentes personnes pour remplir les différentes redevabilités du rôle, il faut simplement une personne qui coordonne.  Aurélie, participante au débat

 

Notre débat a beaucoup mis en exergue l’importance de la responsabilité individuelle. 

  • L’entreprise en général et le collectif sont responsables de créer les conditions les plus favorables possibles pour que les individus s’épanouissent au travail.
  • La contrepartie est que chaque collaborateur adopte une posture active par rapport à son propre épanouissement.

Compétence, Affiliation et Autonomie : agir sur les besoins humains fondamentaux

Une fois la posture de facilitation posée, nous nous sommes intéressés au but de cette facilitation. De quoi parle t’on ? Que facilite t-on ?
Simon nous a à cet égard partagé la  théorie de l’auto-détermination, issue de la psychologie du travail. Selon cette théorie, on ne peut pas faciliter la motivation des individus : celle-ci dépend des individus eux-mêmes.
Selon la théorie de l’auto-détermination, nous avons 3 besoins fondamentaux en tant qu’êtres humains, qui doivent être remplis pour que nous soyons épanouis :
  • La compétence
  • L’affiliation, le lien social
  • L’autonomie : être capable de résoudre les problèmes par nous-mêmes

En lire plus sur la théorie de l’auto-détermination 

Nous avons donc abordé la posture de facilitation au regard de ces trois besoins :

Compétence

En quoi le CHO est-il légitime pour promouvoir la compétence, le sentiment d’efficacité des collaborateurs ? Ce point-là a fait débat pendant notre visioconférence. En effet, n’est-ce pas aux managers de promouvoir et de reconnaître la compétence de ses collaborateurs ?
Pour Julie, le CHO peut être dans un rôle d’accompagnement des managers. Par exemple, il peut les accompagner à faire confiance à leur équipe, à reconnaître les compétences de leurs collaborateurs.

Affiliation

Faciliter les liens entre les collaborateurs, entre les services est un rôle unanimement reconnu du CHO. Notez bien l’expression “faciliter”. Il ne s’agit pas de prendre les collaborateurs par la main pour les faire se rencontrer mais de créer des cadres où ils pourront le faire, que ce soit lors d’occasions informelles (déjeuners et autres moments conviviaux) ou d’occasions plus formelles (événements de cohésion), voire lors de moments virtuels (animation des réseaux sociaux d’entreprise etc…).

Autonomie

De même que la compétence, ce point a fait débat à l’égard du rôle du CHO. N’est-ce pas au manager de développer l’autonomie de ses collaborateurs ?

Tous CHO ou le CHO fantôme ?

En partant de la théorie de l’auto-détermination, nous avons dérivé sur l’idéal du rôle de CHO. Deux hypothèses sont ressorties du lot :

Tous Chief Happiness Officer

Les participants du débat ont beaucoup plébiscité cette notion et ce dès les toutes premières minutes. L’idée que nous soyons tous Chief Happiness Officer est séduisante car elle remet la responsabilité sur chacun des individus qui composent un collectif.

Le Chief Happiness Officer fantôme

Dans le cas où certaines organisations ne prennent pas le temps / ne priorisent pas la notion d’épanouissement / ne donnent pas à chacun ce rôle de CHO, une deuxième idée a émergé : le CHO fantôme. Discret, peu présent, le CHO est présent dans les coulisses, pour observer, faire remonter, être vigilant. Cette vision s’oppose à la vison très relayée dans les médias du CHO omniprésent pour chacun des collaborateurs, mais est plus proche d’une vision autonomisante des collaborateurs.

Dans ce cas de figure un CHO externalisé peut être une belle solution. Par sa position extérieure, il est neutre de fait et a une posture de recul. Il peut donc tout à fait jouer le rôle de poser une démarche pour faciliter les conditions de l’épanouissement. Par exemple : mener un audit, identifier les points d’amélioration et mettre en place une démarche de coaching d’équipe.

Ouverture : la littérature scientifique, outil primordial du CHO

Au-delà de l’épanouissement de chacun, nombreux sont ceux qui s’attaquent en ce moment à la notion de bonheur au travail.
ll n’y a qu’à lire le nombre d’articles écrits à propos de l’ouvrage Happycratie, ou d’autres ouvrages de sociologie qui mettent en avant la marchandisation du bonheur.
Une critique très louable car elle permet de débattre de l’intérêt du “bonheur” au travail, mais qui attire l’attention sur les fondements scientifiques de cette analyse.
Simon nous a partagé lors du débat une étude très intéressante, menée par des chercheurs de Denver, Boston et Vancouver sur le lien entre la quête du bonheur et le bonheur ressenti : Can seeking happiness make people happy ?.
Cette étude, que je vous encourage fortement à lire, montre que la sensibilisation au bonheur peut être tout aussi productive que contreproductive sur notre sensation de bonheur effective.
D’où un des mots de fin de Simon lors du débat pour inciter tous les CHO actuels et en devenir à lire la littérature scientifique sur l’épanouissement au travail ; que ce soit dans le champ de la psychologie du travail ou celui plus récent de la psychologie positive, les études ne manquent pas sur les facteurs d’épanouissement au travail. Appuyons-nous sur cette base scientifique.

 

💡Ce que j’en retiens personnellement

  • Un CHO ne doit pas être omniprésent : sa capacité à mailler un réseau, faciliter plutôt que de tout faire seul est un atout
  • Un CHO n’agit pas sur l’épanouissement individuel des collaborateurs mais pour favoriser les conditions nécessaires à l’épanouissement des collaborateurs ;
  • Nous sommes chacun responsables de notre épanouissement individuel ;
  • Appuyons-nous sur la littérature scientifique disponible sur les sujets de l’épanouissement au travail

Quelques liens pour poursuivre la discussion

  • Un MOOC sur la psychologie positive (générale ou appliquée au monde du travail), qui rengorge de références scientifiques ;
  • Les études de la Fabrique Spinoza sur les indicateurs du bien-être au travail ;
  • L‘élément humain : une trame d’analyse très intéressante pour ceux qui s’intéressent à comment inclure des collaborateurs, les engager ;
  • Le site de Makiba, agence que Julie a co-créé et où elle officie en tant que designer d’expérience collaborateur et CHO ;
  • Le site d’AssessFirst, où Simon Baron, notre intervenant de choc également, officie en tant que Chief Science & Innovation. Vous y trouverez une multitude d’articles plus intéressants les uns que les autres sur le recrutement (mais pas que) ;
  • Une liste qui vient tout juste de sortir sur des formations au métier de Chief Happiness Officer.
Et enfin, je vous invite à notre prochain débat en ligne, qui aura lieu le 10 janvier de 18h45 à 20h15 sur le thème de l’authenticité au travail :