You are currently viewing Interview de Benjamin Rolland – La collaboration n’est pas qu’un moyen, c’est une fin

Interview de Benjamin Rolland – La collaboration n’est pas qu’un moyen, c’est une fin

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Post category:Uncategorized

Formateur et facilitateur, Benjamin Rolland est Directeur d’Enactus Organisations. Enactus Organisations propose aux entreprises et aux  acteurs de l’ESS et de la jeunesse ses savoir-faire dans l’ingénierie pédagogique, l’intelligence collective et l’animation de formations expérientielles autour des thématiques de l’entrepreneuriat,de l’innovation sociale et de la coopération. 

Aujourd’hui, nous partons avec Benjamin à la découverte de la collaboration radicale. Vous découvrirez dans cette interview les fondamentaux de cette pratique, pour améliorer la capacité des individus à collaborer en équipe, avec un exemple pour le moins détonnant : comment appliquer la collaboration radicale à un achat immobilier.

Merci Benjamin pour ce superbe échange, et très belle lecture à vous !

Qu’est-ce que la radical collaboration ?

La radical collaboration®  est une  formation et un ensemble de pratiques qui visent à améliorer les capacités des individus à collaborer en équipe.

Elle s’articule autour de 5 compétences clés : 

  • Conscience de soi 
  • Responsabilité de soi 
  • Ouverture
  • Intention collaborative 
  • Négociation basée sur les intérêts 

Elle associe développement de compétences et découverte de soi.

Pourquoi pratiques-tu cette approche ?

La formation en radical collaboration en 2017 m’a passionné, m’a profondément fait monter en compétences sur ma capacité à collaborer. C’est après avoir fait cette formation que j’ai décidé d’être formateur et facilitateur indépendant, pour offrir aux gens des occasions, opportunités d’expérimenter tous les aspects positifs de ce qu’est la collaboration. 

La formation a affirmé chez moi le fait que la collaboration n’est non pas un moyen mais une fin. J’ai la conviction intime et profonde que l’humain est fait pour l’entraide

Le sens de notre humanité est dans notre lien aux autres et on ne pourra construire un monde plus juste, inclusif et plus durable que si on arrive à mieux faire et mieux vivre ensemble.

La radical collaboration n’est pas qu’un savoir faire, c’est aussi une intention profonde. Dans notre posture de facilitateurs, c’est essentiel de s’outiller en tant qu’individus, pour pouvoir faire vivre de meilleures expériences aux autres et leur faire découvrir le pouvoir de la coopération, et de l’intelligence collective. 

Récemment, tu as utilisé une des compétences de la radical collaboration, la négociation par les intérêts, pour la négociation d’un achat de maison. Peux-tu m’expliquer cela ? 

Dans une négociation classique, les parties ont tendance à adopter une posture et vont essayer d’obtenir de l’autre le résultat le plus proche de ce qu’ils voulaient au départ. On fait ensuite des compromis, en partant de ses propres postures.

Dans la négociation basée sur les intérêts, l’idée est de partir des intérêts de chacune des parties. Chacune des parties exprime ses intérêts, puis on co-construit des options qui répondent à un maximum d’intérêts communs.

On sort donc de la posture adversariale de l’un contre l’autre qui est souvent présente dans une négociation “classique”. 

Ce processus se déroule en 6 étapes. On ne prend pas toujours le temps de passer chaque étape après l’autre. Par contre, je prends toujours le temps de me préparer une grille avec ces étapes et de poser mes intérêts, mon plan de secours etc… 

1.Donner le ton et poser le cadre 

Il s’agit de donner une intention collaborative, montrer à l’autre qu’on veut travailler avec lui.elle : éviter de mettre les gens de part et d’autre de la table (alterner les chaises). envoyer des signaux positifs.parler des procédures et de la manière dont ça va se passer (objectifs, ce qu’il y a après, est-ce qu’il y a un facilitateur)

Dans l’exemple de l’achat de la maison, les vendeurs et nous (acheteurs) étions amoureux de la maison. Nous avons donc pris un temps pour échanger sur cela et j’ai essayé de comprendre ce qui faisait qu’ils aimaient cette maison, quel était son historique…

2. Poser le problème 

Il s’agit de poser un problème dans lequel les deux parties se reconnaissent. Ce problème doit être le plus simple possible et ne pas avoir de solution prédéfinie.

Par exemple, pour l’achat de la maison, cela pourrait être “trouver des modalités d’achat de la maison qui satisfassent les deux parties”, au lieu de “acheter la maison et trouver un prix”. La deuxième solution pose l’objectif directement sur le prix, alors que la première formulation est plus large et ouvre plus de possibilités. 

3.Partir des intérêts de chacun 

A ce stade, chacun partage ses intérêts, concrets et également symboliques. Plus les intérêts sont posés, plus on peut imaginer des options intéressantes et pertinentes. C’est à ce moment que la qualité du ton que l’on a donné et la relation que l’on a établit vont faciliter l’expression des intérêts. 

Cependant, il s’agit de ne pas brusquer cette étape : on ne peut pas exiger la transparence de tout le monde sur tout. 

Cette étape permet également de valider ou d’infirmer les suppositions que l’on a pu faire sur l’autre partie, pour ne pas construire des solutions à partir d’hypothèses fausses.

Par exemple dans l’achat de la maison, nous avons partagé nos moyens financiers, la proportion de travaux que nous voulions faire, les enjeux de temps.

Pour les intérêts symboliques, c’était le coup de cœur commun sur la maison, un enjeu du vendeur d’avoir un accès rapide au dépôt de garantie, un besoin personnel de sentir la confiance du vendeur.

4.Imaginer un plan de secours

Cette étape, très sécurisante, permet à chacun de réfléchir aux options disponibles si jamais il n’y a pas d’accord. On n’est pas obligés de verbaliser ce plan de secours à l’autre, il s’agit plutôt de l’avoir personnellement en tête, pour savoir quelles sont ses propres limites.

Dans le cas de la maison, de notre côté c’était de ne pas vouloir cette maison là à tout prix : nous n’avions pas la pression du temps et notre vie était déjà très belle. Cette maison était un véritable coup de cœur, mais nous pouvions en chercher d’autres si la négociation n’aboutissait pas. 

5.Créer des options 

Cette partie là est celle où l’on fait intervenir la créativité : faire émerger un maximum d’idées qui peuvent intéresser les deux parties, et correspondre aux intérêts mutuels. 

Dans cette étape, j’essaye au maximum de changer la taille du gâteau : oser mettre d’autres facteurs dans la négociation, pour ne pas se décider seulement sur un aspect. 

Plus on intègre de facteurs, plus on intègre des intérêts mutuels à la collaboration 

Prenons un autre exemple : le choix d’un restaurant pour le soir entre deux amis. Cela peut être difficile de décider si l’enjeu n’est que pour ce soir, mais en ouvrant les possibles, on peut trouver des idées pour les deux prochains restaurants. Cela laisse plus d’ouverture et de possibilités. 

6.Évaluer les options, les choisir et conclure 

A ce stade, on sélectionne des solutions au regard des intérêts de chacun, au regard du plan de secours (le but étant de sélectionner des idées meilleures que le plan de secours). Puis on choisit les options que l’on veut garder et, étape très importante, on formalise l’accord et prépare les étapes d’après. 

Les étapes d’après sont cruciales et permettent de fluidifier la suite de la relation. En effet, une relation va au delà du simple objet de la négociation et on a toujours intérêt à maintenir une bonne relation, ne serait-ce que pour l’exécution de l’accord.

Tout au long du processus, je veille à ne pas être rigide sur ma posture.

Même si je suis ferme sur mes intérêts, je m’autorise à être souple sur la manière d’y répondre et ne pas coller à tout prix aux premières solutions que j’avais en tête. 

Comment cela se passe t’il quand tu proposes ce processus et que la personne d’en face n’en a pas envie / a des freins ? 

On ne peut pas arriver à un accord, être en relation partenariale avec quelqu’un qui ne le veut pas.

Ce n’est pas une recette magique. 

Cela dit, l’intérêt de la radical collaboration est de travailler à la mise en place d’un cadre qui facilite la collaboration et la coopération.

Par exemple, en prenant le temps de poser l’intention collaborative. Ou en faisant attention à comprendre les enjeux de l’autre et ses rigidités : comprendre quels enjeux peuvent se tramer derrière une posture. On peut ensuite trouver des solutions pour sécuriser l’autre, répondre à ses besoins. 

Je travaille également sur mes propres mécanismes, pour gagner en souplesse. En radical collaboration on parle de zone rouge et de zone verte :

  • Zone rouge : défense, contrôle…
  • Zone verte: ouverture, souplesse, collaboration…
https://www.radicalcollaboration.com/

Source de l’image

J’essaye d’identifier mes signaux de défense (perte de l’humour, rumination…), de les repérer quand ils arrivent, de mettre en place un plan de secours (respirer…), puis une action ou une intention qui me permet de passer en zone verte.

Personne n’est en zone verte tout le temps, le but du jeu est de repérer les déclencheurs qui nous font passer d’une zone à l’autre 

Comment faire pour se former ? 

Côté Enactus Organisations, nous allons réitérer la formation Coopération et leadership, que j’anime avec bonheur avec Katia Thiriar, en ligne et en présentiel. Cette formation s’appuie sur la radical collaboration avec en plus des éléments sur la gestion de la dynamique d’équipe issus de l’expérience d’Enactus France. 

Vous pouvez également découvrir les 5 compétences évoquées et les creuser de manière indépendante. 

Par exemple, pour la conscience de soi vous pouvez faire l’exercice de la ligne de vie du conflit : refaire l’historique de tous vos conflits et voir les enjeux récurrents, les sensibilités qui reviennent dans les situations de conflit. 

Pour la compétence d’ouverture, cela peut être travailler sur des exercices d’écoute active. Pour ce sujet-là, je vous recommande l’épisode Apprendre à se taire pour mieux écouter du podcast Freud Zone. 

Et enfin, vous pouvez visionner le Ted Talk du fondateur de la radical collaboration ci-dessous.

Retrouvez Benjamin Rolland sur LinkedIn et également sur le site d’Enactus Organisations.